Analyser les 5 sources d’avantage compétitif d’une société (Moat)

En parallèle de l’analyse du business d’une société, penchez-vous sur le concept de “Moat” popularisé par Warren Buffett. Ce concept pouvant paraître un peu abstrait lorsque vous commencez à investir est pourtant primordial.

Un Moat (qui peut se traduire par “douve” ou “forteresse” en français) est un avantage concurrentiel qu’une entreprise possède sur les autres entreprises de son secteur.

En effet, le capitalisme rend la compétition si rude entre les entreprises que si l’une d’entre elles réussit à générer des bénéfices grâce à une certaine activité, vous pouvez être sûr qu’une autre va essayer de la copier.

Cela se produit pratiquement à chaque fois.

La question est donc de savoir :

  • qu’est ce qui fidélise les clients de cette entreprise sur de longues périodes ?
  • qu’est ce qui incite les clients à revenir chez elle plutôt que d’aller chez une entreprise concurrente ?

Plusieurs choses permettent cela.

Sommaire

Lien de parrainage.

Effet réseau et/ou Écosystème de produits

L’effet réseau est un concept que vous retrouvez surtout dans les entreprises de vente de logiciels ou les réseaux sociaux.

Exemple : nous sommes présents sur X (anciennement Twitter) parce qu’il y a des centaines de millions d’utilisateurs et que tous ceux que nous connaissons ou avec qui nous voulons nous connecter dans le monde de la finance sont également sur X.

C’est donc un parfait exemple d’effet réseau.

Il serait très difficile pour quelqu’un de créer son propre réseau social pour concurrencer X dans le domaine du micro-blogging et de la communication en temps réel car Twitter a vraiment construit son propre effet réseau.

C’est très similaire avec Facebook ou Instagram. Pourquoi les gens sont-ils encore sur Facebook ? Parce que tous ceux qu’ils connaissent sont déjà sur Facebook. Et plus il y a de personnes sur Facebook, plus il y a de chances qu’une nouvelle personne rejoigne le réseau social pour avoir accès à toutes les personnes avec lesquelles elle veut se connecter.

Exemple : Netflix a également un effet réseau. Lorsque des amis ou des collègues parlent de la dernière série à la mode disponible exclusivement sur Netflix, il est probable que vous finissiez par payer l’abonnement pour aller la regarder et pouvoir en discuter ensuite avec eux.

L’effet réseau est un avantage concurrentiel rare, donc si vous pouvez trouver une entreprise qui en a un c’est très puissant.

Autre exemple : imaginez un enfant qui veut entrer dans une équipe de football. Lorsqu’il s’agit de choisir l’équipe, c’est le même type d’effet réseau : il veut être là où ses amis sont et ses amis veulent être là où leurs amis sont.

Dès qu’une personne prend cette décision, tout à coup il y a un effet dominos qui se met en place où tous les enfants finissent par vouloir être dans cette même équipe. C’est la même dynamique.

L’autre concept similaire à celui de l’effet réseau est le concept d’écosystème de produits.

Exemple : tous les produits d’Apple fonctionnent parfaitement ensemble. Si vous avez un iMac et un iPhone et que vous allez acheter un nouveau produit, les probabilités que vous achetiez un nouveau produit Apple plutôt qu’un produit concurrent sont assez élevées car il pourra communiquer avec tous les autres produits que vous avez déjà.

Beaucoup de choses sur le concept de Moat sont subjectives. Libre à vous de déterminer quels facteurs permettent à telle ou telle entreprise d’avoir un effet réseau.

Si l’entreprise que vous analysez est comme Meta, son effet réseau est maximum. L’effet réseau de Facebook et Instagram à eux seuls donne un avantage concurrentiel énorme à Meta.

Plus vous devez réfléchir quand vous vous demandez si une entreprise bénéficie d’un effet réseau ou pas, plus il est probable qu’elle n’en ait pas. Car l’effet réseau est un facteur qui devrait sauter aux yeux.

Exemple pour LVMH :

"Switching costs" (Coût de changement élevé)

Une fois qu’on commence à utiliser un produit ou un service, est-ce qu’il serait pénible pour les consommateurs de passer à un autre produit ou service ? De passer à un concurrent ?

La pénibilité peut prendre de nombreuses formes :

  • L’aspect financier. Par exemple lorsque pour changer de logiciel, produit ou service il y a des frais supplémentaires.
  • Le facteur temps. Une fois que vous êtes habitué à utiliser un logiciel ou un produit ou un service, vous ne voulez pas perdre de temps à apprendre quelque chose de nouveau à moins qu’il y ait une raison vraiment convaincante de le faire.

Exemple : si vous avez un iPhone, vous savez comment utiliser iOS, vous avez déjà passé beaucoup de temps dessus, il y a de fortes probabilités que vous achetiez des iPhones encore longtemps plutôt que des téléphones de concurrents parce que vous ne voulez pas perdre de temps à apprendre à utiliser Android.

Il y a d’autres formes de pénibilité, par exemple la pénibilité administrative que constitue un changement de banque.

À noter : si une entreprise dispose d’un segment qui s’adresse aux professionnels, qu’ils offrent des cartes de fidélités, des avantages, des récompenses pour qu’ils achètent et dépensent continuellement chez eux. Ils créent une sorte de switching cost pour les inciter à ne pas aller voir la concurrence. Toutefois on ne peut pas dire que cette stratégie soit une source majeure de Moat.

Exemple pour LVMH :

Coût de production faible durable

Y a-t-il quelque chose qui permet à une entreprise de produire ses produits à un coût inférieur à celui de ses concurrents, et cela de façon durable ? Dans le sens ou ce n’est pas juste un prix d’appel pour une durée limitée.

Il peut y avoir de nombreuses raisons à cela :

  • 1 – les économies d’échelle.

Un pouvoir d’achat énorme lié à la taille de l’entreprise.

Exemple : pensez-vous que n’importe quel nouvel entrant peut acheter à un coût inférieur à celui de Walmart, Amazon ou dans une moindre mesure Carrefour ?

Leur pouvoir d’achat est si élevé qu’ils peuvent mettre la pression sur leurs fournisseurs pour obtenir le coût le plus bas possible.

C’est un avantage concurrentiel durable que ces entreprises ont sur bon nombre de leurs concurrents.

Cela peut également être dû :

  • 2 – aux emplacement physiques
  • 3 – à l’efficacité du système logistique mis en place.

Exemple : ASML fait appel à environ 5000 fournisseurs différents pour la construction de ses machines. C’est un défi logistique que peu de concurrents pourraient reproduire, ou alors en ayant des coûts de production bien plus élevés.

Autre exemple : les centres de traitement et de distribution d’Amazon.

Pour ses opérations de commerce électronique, l’un des plus grands avantages d’Amazon est qu’elle peut vous envoyer des colis à votre domicile à un coût interne inférieur à celui de n’importe quelle autre société, car elle a son propre système pour le faire.

Les “Fulfillment Centers” d’Amazon sont également implantés dans des endroits où le m2 ne coûte pas cher, contrairement à un supermarché classique qui doit s’implanter relativement proche de ses consommateurs, donc où le m2 coûte plus cher.

On peut aussi évoquer :

  • 4 – l’intégration verticale.

Exemple : Amazon n’a pas à payer de transporteurs UPS ou Fedex car elle a intégré verticalement son propre système de transport et distribution. Amazon est donc protégée par ce Moat.

Exemple pour LVMH :

Biens incorporels (marque premium)

Le facteur de la puissance des biens incorporels peut prendre plusieurs formes, dont une marque premium.

Exemple : Hermès ou LVMH. Les gens connaissent très bien ces marques et sont prêts à payer un supplément pour exactement le même produit que pourrait proposer un concurrent moins connu, ou un produit a priori identique, simplement en raison de la marque. Le secteur du luxe est un peu à part mais on peut dire la même chose pour Apple, Lululemon…

Si une entreprise possède une marque qui amène le consommateur à payer plus cher, c’est là qu’elle bénéficie d’un avantage concurrentiel (le consommateur doit être prêt à payer un même produit plus cher uniquement en raison de la marque).

Exemple : tous les américains connaissent Delta Airlines, mais sont-ils prêts à payer le même vol plus cher s’il y a un billet moins cher sur American Airlines ?

Probablement pas.

Donc, connaître le nom et en faire un avantage concurrentiel sont deux choses complètement différentes.

Le fait que vous connaissiez un nom ne signifie pas que c’est une marque premium. Le consommateur doit être prêt à payer plus cher pour cette marque pour que cela ait de l’importance.

Autre exemple : si une marque comme Decathlon suffit à elle seule à vous attirer à l’intérieur du magasin plutôt que d’aller chez un magasin de sport concurrent qui se situe au même endroit, cela veut dire qu’elle a un avantage compétitif.

Sans payer le produit plus cher, elle gagnera plus d’argent qu’une marque qui n’attire pas autant en magasin.

Si vous avez besoin d’articles de sport rapidement, vous chercherez probablement le magasin Décathlon le plus proche, car vous savez que vous ne serez pas déçu au niveau du rapport qualité prix des articles et du choix disponible par rapport à d’autres magasins de sport.

Ce qu’il faut retenir c’est que vous ne pouvez pas simplement dire “j’ai déjà entendu parler de cette marque, donc l’entreprise a un avantage concurrentiel”. Il doit y avoir un avantage associé à cette marque.

Astuce : Vous pouvez regarder si la marque de la société que vous analysez se trouve dans le classement Interbrand (ou d’autres classements de marques réalisés par des sociétés indépendantes).

Autres éléments immatériels sources de Moat :

  • Les brevets. Les compagnies pharmaceutiques ont des brevets sur les médicaments qui leur donnent un avantage concurrentiel pendant un certain temps.
  • Les licences ou certifications. Moody’s est une agence de notation d’obligations, ils ont une licence pour évaluer les obligations. Cela leur donne un avantage concurrentiel.

Exemple pour LVMH :

"Counter positioning"

Un autre facteur de Moat est la stratégie de contre-position.

La contre-position signifie que l’entreprise a adopté un modèle économique différencié qui lui permet de concurrencer des acteurs établis dans une industrie.

Exemple : La seule chose que faisait Amazon différemment de ses concurrents en 1997 était de vendre des livres, mais en ligne.

Ils vendaient exactement le même produit que Barnes and Noble ou Borders (des grandes librairies américaines), mais ils le vendaient d’une manière différente.

Barnes and Noble et Borders n’ont pas voulu se lancer dans l’e-commerce pendant longtemps car leur fonds de commerce étaient leurs magasins physiques. C’était leur gros atout : les gens qui venaient physiquement dans leurs magasins pour parcourir et acheter un livre en personne.

Pour Barnes and Noble ou pour Borders, adopter le commerce électronique aurait impliqué de couper les profits de leur activité existante, il aurait été douloureux pour Borders et Barnes and Noble de dire « ne venez pas dans nos magasins de détail, achetez chez nous en ligne ».

Le changement pour s’adapter est donc difficile à faire pour les entreprises existantes et cela peut fournir quelques années de contre-position pour les start-up.

En d’autres termes, les sociétés qui sont vaincues (Barnes and Noble et Borders dans l’exemple) sont poussées à mettre au bûcher tout ce qu’elles ont construit au cours des dernières décennies et à repenser l’ensemble de leur activité.

Exemple : plus récemment, Netflix a mis fin à Blockbuster. Ils ont vendu exactement les mêmes films, mais les ont vendus d’une manière différenciée par la poste dans un premier temps, puis en streaming dans un second temps, plutôt que dans des magasins de détail.

Autre exemple : plus récemment encore, la décision de Tesla de ne pas vendre ses voitures par l’intermédiaire de concessionnaires, mais plutôt de les vendre en ligne, est une contre-position.

Il sera difficile pour ses concurrents de dire « les consommateurs ne veulent plus acheter auprès de concessionnaires, tuons notre modèle économique basé sur les concessionnaires ».

Exemple pour LVMH : elle n’a pas de stratégie de « counter positioning ».

Évolution de l'avantage compétitif ?

Le dernier élément à analyser est simplement la direction que prend l’avantage compétitif. Est-ce que le MOAT s’élargit, reste le même ou se rétrécit ?

C’est la nature même de l’entreprise que vous devez analyser :

  • Gagnent-ils des parts de marché ?
  • Déploient-ils de nouveaux produits et services qui fidélisent leur clientèle ?
  • Leur nom de marque devient-il plus fort ?
  • Leur pouvoir d’achat augmente-t-il ?

S’ils ont un effet réseau :

  • Ont-ils de plus en plus d’utilisateurs sur leur réseau ?
  • Introduisent-ils de nouvelles fonctionnalités qui rendent plus difficile pour le client de passer à autre chose ?

Est ce que le marché est tellement saturé que les nouvelles entreprises seraient découragées de venir concurrencer les entreprises déjà établies, car elle ne pourrait le faire qu’en entraînant une baisse des profits à un niveau inférieur au coût de production pour l’ensemble des acteurs ?

Le MOAT d’une société représente la défense d’une équipe. Elle permet de ne pas prendre de but mais pas forcément d’en marquer.

Le «Potentiel de croissance» de la société, abordé dans cet article, représente l’attaque de l’équipe : que met-elle en place de manière proactive pour marquer des buts ?

Exemple pour LVMH :

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